Illustration de l'article de La Réclame

UX | Expérience Utilisateur, Définition et place dans les agences et chez les annonceurs

6 minutes de lecture

Résumé

Ce billet est le texte complet de mes réponses à une interview pour un article collectif "Comment l’UX bouleverse la communication" pour La Réclame, principal média français dédié à la créativité dans le monde de la communication. J'y aborde la définition de l'expérience utilisateur, sa place dans les agences et dans les dispositifs de communication.

Comment définir ce qu’est l’UX ? Et ce qu’elle n’est pas ?

L’expérience utilisateur est le ressenti global des qualités d’un produit, d’un service ou d’un système le rendant plus ou moins pertinent ou significatif pour l’utilisateur final. Ce ressenti global découle de l’usage, qui produit un certain niveau de satisfaction subjective, et de l’empreinte laissée dans la mémoire.

Ce ressenti global se construit notamment selon les caractéristiques suivantes du produit, service ou système :

  • son accessibilité et son adaptabilité (selon le contexte, les caractéristiques et l’état de l’utilisateur)
  • son utilisabilité (facilité à être compris, utilisé)
  • son utilité (répond au besoin de l’utilisateur)
  • sa désirabilité (capacité à séduire, à inciter…)
  • sa crédibilité (des contenus, des offres, de la fiabilité…)

Si les 3 premières caractéristiques relèvent du domaine de l’ergonomie, les deux derniers nous rapprochent des enjeux du marketing et de l’innovation : la proposition de valeur. Les conditions d’une bonne expérience utilisateur viennent concrétiser cette proposition de valeur.

Selon moi, dans la définition et la compréhension de ce qu’est l’expérience utilisateur, la difficulté n’est pas tellement sur l’appréhension de ce qu’on appelle “L’expérience”. En effet, tout le monde comprend ce que signifie “vivre une expérience” et d’avoir un ressenti positif, mitigé, ou négatif suite à une expérience. La difficulté est plutôt jusqu’où l’on étend la notion d'“Utilisateur”  :

  • d’un produit matériel (un objet, un outil…) ?
  • d’un produit, système ou service immatériel (une application, un site web…) ?
  • d’un service marchand ou non. Mais ici ne doit-on pas plutôt parler “d’expérience client” ou “d’expérience usager” ?

La notion d’expérience utilisateur a émergée récemment en France avec l’explosion des usages numériques et notamment mobiles : l’omniprésence et la sophistication des smartphones, leur connectivité et la richesse de l’offre applicative, dans lesquelles émergent des services innovants et bouleversants des secteurs entiers. Mais la perception de l’expérience utilisateur, que ce soit dans les agences digitales, les SSII, chez les annonceurs… est trop souvent réduite et confondue avec la conception d’interfaces utilisateur (UI) voire au webdesign. Or, “UX is not (only) UI”. L’approche de l’expérience utilisateur relève de l’étude des usages et des comportements, de méthodes de design centrés sur les utilisateurs, de la collaboration de plusieurs expertises. J’y reviendrai plus bas avec la question de la place de l’UX au sein d’une agence.

Schéma interprétation du modèle 5 carrés pour illustrer l'expérience utilisateur usager

Ce modèle de représentation de l'eXpérience Utilisateur et Usager m'a été inspiré par celui de la "tâche et activité de l'opérateur humain" de Jacques Christol et Gilbert de Terssac, lui-même inspiré de Jacques Leplat et Xavier Cuny 1974 (voir aussi le billet dédié)

L’UX représente-elle un sujet majeur dans les dispositifs des annonceurs ? Ou ce n’est pour le moment qu’une optimisation parmi d’autres ?

L’expérience utilisateur est bien un sujet majeur chez beaucoup d’annonceurs. Mais quand on analyse la demande, on s’aperçoit qu’on oscille entre un effet de mode “UX” et une vraie prise de conscience des enjeux. Avec parfois, en filigrane, une peur-panique de se faire “uberiser” par une startup ou un concurrent plus innovant. Cela varie selon les secteurs d’activités, les business models, et la maturité de l’entreprise sur le sujet.

Notre monde vit un bouleversement profond avec la numérisation des usages avec notamment :

  • l’émergence de produits de plus en plus performants
  • l’arrivée des générations de “digital natives” sur le marché du travail et de la consommation
  • la prise de pouvoir de “consomm’acteurs” qui peuvent désormais prendre la parole : un usager fait part autour de lui en moyenne 17 fois d’une mauvaise expérience de service contre 3 fois d’une bonne expérience de service

Dans ce contexte, prendre l’UX comme une “simple optimisation” peut se révéler risqué…

A qui revient l’UX au sein d’une agence ? Aux designers ou à un poste dédié ?

L’UX relève de connaissances et de compétences diverses et complémentaires. Je citerai notamment :  l’ergonomie (qui est-elle même multidisciplinaire), le design de service, le design visuel et émotionnel, le design d’interaction, la veille et prospective, les études utilisateurs et consommateurs, le marketing, la technologie et l'ingénierie. Selon les enjeux et les niveaux d'exigences, selon les types de produits, services et contenus, des expertises spécialisées sont également parties prenantes. Dans les domaines des applications informatiques et du numérique, nous pouvons citer : l’architecture de l’information, la stratégie de contenu, le SEO/ASO (Search Engine Optimization et Application Search Optimization), la data, le développement.

L’UX se situe idéalement à 2 niveaux au sein d’une agence :

Un premier niveau “stratégique”

Il s'agit de l'étude des usages et des comportements (la recherche utilisateur, s’appuyant sur les études conso/utilisateur et ethnographiques) et chargé de la définition d’une stratégie de l’expérience. Il est idéalement porté par un poste dédié “UX stratégie” maitrisant les méthode de l’ergonomie, de l’ethnographie, et travaillant avec les expertises du planning stratégique, du SEO, de la data, du search et du marketing.

Un deuxième niveau “tactique”

Il est garant de la stratégie de l’expérience prédéfinie. Il est porté par les architectes de l’information, stratèges de contenu, designers d’interaction, designers visuel et émotionnel, et designers de service. Il est idéalement coordonné par un poste dédié “UX tactique” portant une vision transversale (on parle aussi d'holistique), usant de méthodes itératives centrées utilisateurs tout au long des étapes de design, de prototypage et de de développement. Il est le “contrôleur qualité” de l’UX sur toute la chaîne.

Selon vous, en quoi et comment l’UX va affecter les pratiques de la communication dans le futur ?

Des études publiées en 2003 et 2010 (Thomas Gilovich, Leaf Van Boven, Travis J. Carter) ont démontré que les achats correspondant à des expériences : voyage, place de concert, dîner au restaurant… rendent les gens plus heureux que les achats de biens matériels de même valeur (équipement stéréo, objets de luxe…). Si l’on observe la publicité sur les voitures, on voit bien que ce n’est plus le produit lui-même qui est directement valorisé, mais il l’est au travers de l’expérience qu’il va vous faire vivre : les sensations, les émotions… L’UX affecte donc déjà les pratiques de la communication.
Nous sommes en train de passer d’une société de produits à une société de services et de recherche d’expériences marquantes. Réfléchir et innover sur de nouveaux produits et services impose aujourd’hui la mise en place de méthodes et de principes centrés sur les utilisateurs. Cela nécessite de dépasser l’ancienne culture dominante des agences : la culture “créative”, qui a atteint ses limites. Egocentrée sur le message, sur une communication dans un sens de la marque vers le consommateur, cette vision restrictive est inadaptée au monde d’aujourd’hui et de demain, qui est fait d’utilisateurs “consomm’acteurs”, de multiples canaux d’interactions, de parcours utilisateurs cross-canal et omni-canal. Cela ne signifie pas la disparition des créatifs. Bien au contraire. Ils sont déterminants dans les phases d’idéation. Mais il s’inscrivent désormais dans une démarche plus globale de recherche et de design centrés sur les utilisateurs, les usages et les comportements.

Texte intégral des réponses données dans ma contribution à l'article collectif 
"Comment l’UX bouleverse la communication" sur le media "La Réclame".

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