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Risques systémiques et réponses types des réseaux complexes aux perturbations

5 minutes de lecture

Edit de janvier 2023 : ce billet a été écrit 4 mois avant le début de la crise du COVID19, virus faiblement létal au regard du scénario proposé plus bas.

Les interdépendances systémiques existent à l'échelle mondiale compte tenu des chaines logistiques globalisées et la vitesse des flux reposant sur le pétrole pas cher et l’instantanéité de la circulation  de l’information à l’échelle planétaire.

Risques pandémiques

Un virus fortement contagieux, dangereux et avec une forte létalité pourrait se répandre rapidement à l'échelle mondiale par le transport aérien et provoquer une pandémie venant perturber l'économie mondiale, avec le risque d'une réaction en chaîne : tentations de dérives totalitaires par les gouvernements, tensions sociales, crise économique sans précédent et problèmes d'acheminement de matières premières et de produits vitaux (60 % des actifs médicamenteux proviennent d'Inde et de Chine).

Blackouts électriques

Même si la production électrique est extrêmement résiliente, les risques de blackouts électriques existent. C'est moins leur étendue que la combinaison avec leur durée qui pose problème. Pour faire court, si un blackout est géographiquement étendu, plus il dure, plus le retour à la normale sera difficile, voire impossible. Les conséquences en chaîne sont dramatiques. Rien de moins que la fin de la civilisation industrielle.

Durée blackout électrique et conséquences

Pas d’autonomie locale

Les chaînes logistiques "juste à temps" (flux tendu), l'absence de stocks stratégiques sur des produits vitaux (alimentation, santé...) et de souveraineté locale due à la mondialisation, et la soumission à une gouvernance pyramidale, l'impréparation des États et leurs logiques court-termistes, l'inertie bureaucratique, la corruption et le capitalisme de connivence sont des facteurs aggravants, particulièrement en France.

En moyenne Il y a 3 jours de stock alimentaire importé à 98% depuis l’extérieur des territoires et des villes, via des systèmes de transport. Notre dépendance est également liée à notre confiance aveugle, l’insouciance, le déni, et surtout, notre déresponsabilisation.

Il y a une relation évidente entre fragilité et complexité des systèmes de support (énergie, eau, alimentation, secours....)

Cyberattaques

Elles se multiplient. Leurs motivations peuvent être commerciales, crapuleuses, politiques ou terroristes. Certaines visent la Supply Chain (chaînes d'approvisionnement) car elles sont stratégiques. Parmi leurs multiples conséquences possibles, il y a les blackouts électriques et les ruptures rapides de chaine d'approvisionnement des produits vitaux.

Nos sociétés modernes sont fragiles et vulnérables parce qu’elles sont complexes, non résilientes et non redondantes. Quand il y a un problème quelque part, cela peut rapidement entraîner la mise hors service de l’ensemble de la machine.

Résilience des systèmes

Comparaison des réponses types des réseaux hétérogène et homogènes/complexes aux perturbations

Dans M. Scheffer “Anticipating Critical Transitions” Science, vol. 338, n°6105 2012 le modèle illustrant les réponses types des réseaux complexes aux perturbations est particulièrement opératoire, et a été repris par Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans leur best-seller "Comment tout peut s'effondrer" :

Systèmes hétérogènes = résilients

À gauche sur le schéma, ils sont composés d’éléments différenciés. Leur connectivité incomplète est à l’origine de la modularité. Ils ont une meilleure capacité d’adaptation en ce sens qu’ils s’adaptent progressivement au changement. Ils sont plus autonomes, reposent sur des relations et des solidarités locales, et sont moins soumis aux réactions en chaine et à l’effondrement. Ils ont donc de meilleures capacités de résilience.

Les sociétés dites "industrialisées" sont très loin de répondre aux caractéristiques de ces systèmes dits “résilients”, ayant la capacité d’encaisser les chocs, permettre de s'adapter, créer et maintenir un état de fonctionnement viable.

Systèmes hOMOGènes = FRAGILES

À droite sur le schéma, avec de fortes interdépendances entre éléments, notamment les chaines logistiques à flux tendus (produits de première nécessité et énergie), ils sont soumis à des risques d’effondrement brutal. Les pertes locales ont tendance à être “réparées” par l'aide et la solidarité d'entrées secondaires provenant d’unités liées jusqu’à ce que le système s’effondre à un niveau de contrainte critique. Le monde dans lequel nous vivons présente ces caractéristiques : nous sommes dépendants des systèmes de supports qui s’écrouleront rapidement en cas de dysfonctionnement majeur d’une de ces composantes.

Résilience des systèmes vitaux et sécurité nationale

Alexandre Boisson, expert en sécurité systémique, alerte sur la nécessité de mettre en place une résilience locale dés le niveau solidaire du quartier et de la commune.

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Elle repose en premier lieu sur l’autonomie alimentaire, l'autosuffisance hydrique, sanitaire et énergétique, la réduction des dépendances aux échelons supérieurs en maximisant également l'autonomie sécuritaire, économique et des systèmes de communication.

C'est un enjeu majeur de sécurité nationale.

Comme le dit Alexandre il y a au moins 15000 kalashnikov circulant en France, en plus de quantité d’autres armes, dans une société de clivages attisés par des politiques et des idéologies jouants avec le feu, entre clientélisme et divisions pour mieux régner et une population impréparée, infantilisée et déresponsabilisée, entretenue dans un confort égoïste qui ne favorise pas la solidarité entre les individus.

Cela mérite réflexion sur les responsabilités, et la souveraineté à partir de l'échelle individuelle et en remontant vers les niveaux supérieurs (quartier, commune, État...), selon les principes de subsidiarité ascendante et de suppléance.

L’autonomie des systèmes vitaux à l’échelle locale est nécessaire non seulement pour assurer les besoins fondamentaux, mais aussi pour prévenir les risques d'effondrement et arrêter d'être des esclaves inconscients soumis à ces risques systémiques pouvant nous faire plonger rapidement dans le chaos le plus total.

3 Commentaires
  • Olivier
    Publié à 18:26, 16 avril 2020 Répondre

    Comme je pense que les deux courbes existent en France…que va t’il se passer?
    L’une ne va pas agir sur l’autre ?
    Et de quelle manière ?
    Et si oui, ne peux tu pas faire une synthèse des deux?
    J’imagine que c’est difficile car les deux « échelles » sont différentes.

    Big up mr

    • Pierre
      Publié à 11:46, 19 avril 2020 Répondre

      Bonjour Olivier,

      Je pense que globalement en France que nous sommes clairement plus sur la 2ème courbe (systèmes homogènes avec des éléments fortement interdépendants), qui résiste bien mais risque un effondrement complet (notamment à cause des risques sur les flux alimentaires). Et bien que cette possibilité était auparavant peu probable, elle est de plus en plus probable.
      Par contre, pour revenir sur ce que tu penses, il y a sans doute effectivement des nuances à mettre quand on regarde les deux courbes et le territoire français. Les risques que les situations dégénèrent sont beaucoup plus élevées au niveau des grandes agglomérations avec de fortes densités de populations par rapport au monde rural. En même temps, s’il y a des problèmes, il y a de fortes chances pour que les systèmes de support soient rétablis en premier dans les grandes agglomérations, par rapport aux zones isolées qui seront laissées à l’abandon, ou tout au moins rétablies plus tard.
      À l’inverse, dans des zones rurales où il y a peu de densité de population et encore des modes de fonctionnement « à l’ancienne » avec du stock alimentaire à la maison, du troc (je connais des coins comme ça, ça existe) : du potager, des poules, du gibier, de la cueillette et des savoir faire liés à tout cela, il y a forcément plus de résilience qu’en ville et on tend vers la première courbe, celle des réseaux hétérogènes. Mais ne nous voilons pas la face non plus : même en milieu rural, on vit beaucoup comme en ville, on reste très dépendant des chaines logistiques alimentaires, de l’électricité, du pétrole et des autres systèmes de support et de services publics.

  • Nenhang
    Publié à 16:47, 18 avril 2021 Répondre

    Sauf erreur, l’OMS date le début de la jolie pandémie apparue à Wuhan en Chine, au 16 novembre 2019 et, si je vois bien, cet article est daté du 12 octobre 2019..!
    Dès le début tout est dit et la suite explique parfaitement ce qui fait la fragilité de ces absurdes systèmes homogènes…
    Homogénéité désigne un système dont les éléments présentent une grande harmonie entre eux. Dans ce cadre économique j’aurais tendance à remplacer le terme « harmonie », par « avidité » ou encore « rapacité » !

    Quoiqu’il en soit, merci pour cet article, pour Résilience alimentaire, pour Alertons les Maires… Merci de ces pages qui incitent à réfléchir sur les nécessaires diversité, simplicité, entraide, partage…

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